L’homme 7up ou le militant quotidien de l’inhumanité
Un genre d’essai sur l’étrange lien entre Les Respectables et Noir Désir
Noir Désir et Les Respectables sont deux groupes de rock d’expression française. À première vue, ça pourrait être les seules similitudes entre le groupe français et le band (prononcer banne) à Seb Plante.
Les deux partagent aussi dans leur répertoire une chanson dont le nom commence par «L’homme» et dont le sens est plus ou moins bien compris.
Pour une raison saugrenue que j’ignore, je vois dans le titre de Noir Désir, L’homme pressé, datant de 1996, l’inspiration derrière L’homme 7up des Respect’, parue en 1999.
Mais avant d’étirer l’élastique, de quoi parlent les deux chansons?
L’homme pressé est le discours pédant d’un membre du 1% qui, campé sur ses privilèges, crache son fiel sur le monde qu’il a contribué à déposséder de son bien commun. Dans le refrain, il acquiesce néanmoins qu’il est lui-même une marionnette oppressée (homme pressé, got it!) du système, mais eh, «il sait faire des affaires et y’en a qui peuvent payer». Il est un mal nécessaire en quelque sorte et il s’en accommode.
It’s a dirty job and someone’s gotta do it aurait ajouté Faith No More.
L’homme 7up… disons que c’est moins clair! L’acceptation populaire veut que le narrateur soit simplement un ambitieux lève-tôt : «j’ai beaucoup d’avenir, [...] rien ne pourra m’arrêter, jusqu’à ce que j’y sois arrivé».
Mais ce sont le pont et l’extro de la chanson qui ouvre la porte au côté requin de l’homme 7up : «j’aimerais vous présenter tout ceux (ce) que je possède», «ce que je m’appropriai» (chapeau pour le passé simple by the way) et «ils n’ont pas compris que l’argent mène le monde».
Dans ces trois lignes de texte, l’homme 7up s’exclut du monde qu’il dépeint. On comprend donc qu’il ne se prend pas pour ladite boisson dont il porte fièrement le nom.
Évidemment, la critique sociale de L’homme 7up est la version du magasin Korvette de Rawdon de celle sur laquelle L’homme pressé est articulée.
Mais dans les deux pièces, il est question d’un homme, en moyens, qui disserte sur un monde dont il s’est exclu par sa richesse et qui fait l’éloge de son hyperactive vivacité comme une métaphore de son flair capitaliste.
«Moi je vais vite très vite, ma carrière est en jeu, je suis l’homme médiatique, moi je suis plus que politique, car je suis, un homme pressé.»
«Un homme 7up, I always keep on top»
L’usage de l’anglais par Seb Plante n’est d’ailleurs pas anodin dans un contexte québécois: il va de soi que son homme d’affaires speak white.
Par contre, alors que L’homme pressé tire son titre d’un roman de Paul Moran, dans un commentaire général de Noir Désir sur la France à l’aube de la mondialisation (le thème de 666.667 Club dont la chanson est issue), L’homme 7up semble contrainte à demeurer une copie cégépienne plus ou moins inspirée et peu calorique quant à son contenu politique.
Mais on ne pourra pas reprocher à L’homme 7up de ne pas être un mannequin glacé avec un teint de soleil. Un vrai king du bebop.
J'ai l'immense honneur de ne connaître aucune chanson des Respectables, et j'apprécierais que ça demeure ainsi.